« Économie des TC » : différence entre les versions

De Avanti
(→‎Vitesse commerciale : ajout définition)
 
(11 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 7 : Ligne 7 :
Dans les pays occidentaux, un réseau de transport public n’est jamais rentable, à plus forte raison lorsqu’il est demandé à ce réseau d’assurer une mission dite de service public, consistant à desservir toutes les parties d’un territoire, mais aussi à assurer des fréquences de passage soutenues, à différentes heures de la journée, tous les jours de l’année, ceci dans le cadre d’une politique de mobilité visant à opérer un transfert modal de la voiture vers les transports en commun.
Dans les pays occidentaux, un réseau de transport public n’est jamais rentable, à plus forte raison lorsqu’il est demandé à ce réseau d’assurer une mission dite de service public, consistant à desservir toutes les parties d’un territoire, mais aussi à assurer des fréquences de passage soutenues, à différentes heures de la journée, tous les jours de l’année, ceci dans le cadre d’une politique de mobilité visant à opérer un transfert modal de la voiture vers les transports en commun.


Dans le même temps, les propositions d’augmentation du tarif des transports publics font l’objet d’une grande hostilité, car il entame le pouvoir d’achat d’une population dont une partie importante est paupérisée.
Dans le même temps, il est demandé aux transports publics d’offrir leurs services selon des tarifs inférieurs au prix coûtant, tant pour les rendre attrayants par rapport aux modes individuels que pour préserver le pouvoir d’achat des populations les moins aisées.  À ce titre, l’approbation des tarifs du transport public est une prérogative du gouvernement.


Pour ces différentes raisons, les réseaux de transport public ont vocation à fonctionner de manière structurellement déficitaire, et doivent équilibrer leurs comptes grâce à une dotation publique.  Ce raisonnement prévaut dans tous les pays européens.
Pour ces différentes raisons, les réseaux de transport public ont vocation à fonctionner de manière structurellement déficitaire, et doivent équilibrer leurs comptes grâce à une dotation publique.  Ce raisonnement prévaut dans tous les pays européens.
Ligne 14 : Ligne 14 :


À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.
À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.
== L’équation de base ==
De manière schématique, le budget à financer par la collectivité – à savoir le déficit d’exploitation – est conditionné par trois paramètres :
* l’offre
* la vitesse commerciale
* l’optimisation
[[File:eco-1eq.png|300px]]


== Les déterminants du coût ==
== Les déterminants du coût ==


On relève 5 déterminants principaux
=== L’offre ===
 
Il s’agit ici de l’offre de transport au sens large : la taille du réseau, les fréquences et les amplitudes, le fait de rouler avec des véhicules plus ou moins grands, etc.
 
L’objectif généralement poursuivi est de développer cette offre autant que possible, mais on se heurte alors à son impact direct, qui est un besoin de budget supplémentaires.
 
[[File:eco-2offre1.png|300px]]
 
Autrement dit, sans budgets supplémentaires, les améliorations d’offre ne sont pas possibles.  (Sauf à espérer qu'elles puissent se financer par leurs propres recettes.)
 
=== La vitesse commerciale ===
 
Dans ce schéma simplifié, ce paramètre doit être compris comme la vitesse au sens large, car cela englobe aussi la régularité et en gros tout ce qui impacte le nombre de minutes allouées dans la planification des services de conduite.
 
Une baisse de la vitesse commerciale implique de devoir replanifier des temps de parcours ou de battement plus élevés.  Ceci implique plus de véhicules et de conducteurs, autrement dit des coûts d’exploitation supplémentaire.  D’un point de vue mathématique, cela s’exprime comme suit :
 
[[File:eco-3vit2.png|300px]]
 
=== L’optimisation ===


=== Longueur du réseau ===
Derrière ce vocable simplifié se regroupent une multitude de déterminants du coût d’exploitation d’un réseau de transport public.


Plus une ligne est longue, plus elle sera chère à exploiter.
On y trouve aussi bien la localisation des dépôts (s’ils sont très éloignés du réseau c’est moins bien car il faut payer de nombreux kilomètres à vide), le fait d’avoir des véhicules plus ou moins gourmands en énergie, les règles d’exploitation (autorisation ou non de pratiquer des relèves en ligne, possibilité de réutiliser un véhicule ou un agent sur plusieurs lignes vs. obligation de spécialiser le matériel et le personnel), le droit du travail (nombre d’heures autorisées par jour, durée règlementaire des pauses), etc.


La longueur (en kilomètres) est un « proxy » pour le coût, car au sens strict, le coût est fonction :
En règle générale, la marge d’amélioration sur l’optimisation est très faible et se limite en général à essayer de procéder à des combinaisons entre horaires de lignes différentes (« mariages ») pour trouver une découpe du temps de travail moins dispendieuse.  Ces solutions s’accompagnent souvent d’une fragilisation du système (si un chantier impacte une ligne, avec un tel système les retards se propageront aux autres lignes car on a créé une interdépendance).
* du temps de parcours (il détermine les heures de conduite payées aux conducteurs, et indirectement la taille de l’effectif de conducteurs) ;
* de la consommation d’énergie (largement déterminée par la longueur du trajet à parcourir, même si d’autres paramètres jouent, comme les pentes, le style de conduite et la possibilité de rouler de manière fluide)
* de l’usure des véhicules (qui évolue proportionnellement aux km parcourus)


=== Offre de transport ===
On estime dès lors qu’en général, l’optimisation baisse au cours du temps (parce que le droit du travail évolue, dans un sens plus favorable aux travailleurs, ou parce que l’amélioration de la qualité passe par moins de mariages entre les lignes, ou encore parce qu’on peut souhaiter spécialiser le matériel par ligne pour des raisons d’infrastructures ou des raisons commerciales).  Ceci signifie un besoin de plus de budget.


Le coût d’exploitation évolue en fonction du nombre de trajets à assurer.  Pour simplifier, plus la fréquence de passage est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir d’attendre moins longtemps et d’avoir plus de places disponibles), plus le système coûte cher.
[[File:eco-4opt2.png|300px]]


En outre, les coûts de conduite varient selon l’heure de la journée.  Si le personnel de conduite est payé à un taux horaire standard pour des prestations en journée, les prestations pendant le week-end ou les jours fériés, ainsi que tôt le matin et tard le soir sont payées plus cher.  Ici aussi, pour simplifier, plus l’amplitude de service est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir de disposer d’un réseau ouvert 7j/7 et à toutes les heures), plus le système coûte cher.
== Comment réduire le coût d’un réseau de transport public ? ==


=== Vitesse commerciale ===
La façon la plus simple de réduire le coût d’exploitation est de diminuer l’offre aux voyageurs (moins de lignes, fréquences plus basses, heures de pointes plus réduites, etc.).  Mais c’est clairement la plus mauvaise solution car elle est contraire à tous les efforts menés pour encourager les transports publics, et elle doit être rejetée.


Le coût d’exploitation évolue de manière inversément proportionnelle à la vitesse commerciale.
Améliorer l’optimisation est également très difficile, voire impossible.  L’optimisation mathématique des [[graphicage|graphiques et habillages]], qui s’effectue par des logiciels spécialisés, est déjà poussée au maximum techniquement atteignable, et il n’y a pas lieu de remettre en cause le droit du travail ou les conditions de travail du personnel.  D’autres optimisations peuvent être atteintes à moyen terme comme la relocalisation de dépôts au plus près du réseau mais ces solutions sont souvent chères (acquisitions foncières) ou complexes à mettre en œuvre.


Ainsi, contrairement aux paramètres de longueur du réseau et d’offre de transport où ce qui est le plus bénéfique pour le voyageur est le plus cher pour la collectivité, pour la vitesse commerciale les intérêts des voyageurs et de la collectivité sont convergents.  Plus la vitesse commerciale est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir que le temps de trajet est réduit), moins le système coûte cher.
Améliorer la vitesse commerciale représente dès lors le meilleur levier d’action, car il ménage à la fois les voyageurs et les travailleurs.


Au sens mathématique, la vitesse commerciale (en km/h) évolue de manière inverse au temps de parcours (en minutes ou en heures, et que l’on trouve au dénominateur).  Or, le temps de parcours d’une ligne détermine le nombre de véhicules en circulation (voir l’article [[temps de rotation]]), qui conditionne le coût.
[[File:eco-5vit1.png|300px]]


=== Droit du travail et conventions de travail ===
Sans aller jusqu’à l’idée de réduire le coût net des transports publics, des combinaisons sont possibles.  Une combinaison particulièrement intéressante consiste par exemple à réinjecter les gains de vitesse dans l’amélioration de l’offre.  Ainsi, pour le même coût l’offre est améliorée (véhicules plus nombreux et plus rapides).


=== Optimisation de la planification ===
[[File:eco-6eq.png|300px]]


L’amélioration de la vitesse commerciale – au sens large, à savoir temps de battement compris – permet d’amorcer un cercle vertueux pour améliorer les transports publics.


[[Category:Planification]]
[[Category:Planification]]

Dernière version du 16 juin 2021 à 12:57

Économie des transports publics

Par économie des transports publics on entend ici les principales variables qui ont un impact sur le coût d’exploitation d’un réseau.

Pourquoi est-ce important ?

Dans les pays occidentaux, un réseau de transport public n’est jamais rentable, à plus forte raison lorsqu’il est demandé à ce réseau d’assurer une mission dite de service public, consistant à desservir toutes les parties d’un territoire, mais aussi à assurer des fréquences de passage soutenues, à différentes heures de la journée, tous les jours de l’année, ceci dans le cadre d’une politique de mobilité visant à opérer un transfert modal de la voiture vers les transports en commun.

Dans le même temps, il est demandé aux transports publics d’offrir leurs services selon des tarifs inférieurs au prix coûtant, tant pour les rendre attrayants par rapport aux modes individuels que pour préserver le pouvoir d’achat des populations les moins aisées. À ce titre, l’approbation des tarifs du transport public est une prérogative du gouvernement.

Pour ces différentes raisons, les réseaux de transport public ont vocation à fonctionner de manière structurellement déficitaire, et doivent équilibrer leurs comptes grâce à une dotation publique. Ce raisonnement prévaut dans tous les pays européens.

C’est important de s’intéresser à ces questions puisqu’il est également demandé aux exploitants de transport de ne pas être une charge excessive pour la collectivité – la dotation provenant de l’impôt des contribuables, alors que les villes sont confrontées à de multiples besoins – et de veiller à être exemplaires dans leur utilisation des moyens publics.

À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.

L’équation de base

De manière schématique, le budget à financer par la collectivité – à savoir le déficit d’exploitation – est conditionné par trois paramètres :

  • l’offre
  • la vitesse commerciale
  • l’optimisation

Les déterminants du coût

L’offre

Il s’agit ici de l’offre de transport au sens large : la taille du réseau, les fréquences et les amplitudes, le fait de rouler avec des véhicules plus ou moins grands, etc.

L’objectif généralement poursuivi est de développer cette offre autant que possible, mais on se heurte alors à son impact direct, qui est un besoin de budget supplémentaires.

Autrement dit, sans budgets supplémentaires, les améliorations d’offre ne sont pas possibles. (Sauf à espérer qu'elles puissent se financer par leurs propres recettes.)

La vitesse commerciale

Dans ce schéma simplifié, ce paramètre doit être compris comme la vitesse au sens large, car cela englobe aussi la régularité et en gros tout ce qui impacte le nombre de minutes allouées dans la planification des services de conduite.

Une baisse de la vitesse commerciale implique de devoir replanifier des temps de parcours ou de battement plus élevés. Ceci implique plus de véhicules et de conducteurs, autrement dit des coûts d’exploitation supplémentaire. D’un point de vue mathématique, cela s’exprime comme suit :

L’optimisation

Derrière ce vocable simplifié se regroupent une multitude de déterminants du coût d’exploitation d’un réseau de transport public.

On y trouve aussi bien la localisation des dépôts (s’ils sont très éloignés du réseau c’est moins bien car il faut payer de nombreux kilomètres à vide), le fait d’avoir des véhicules plus ou moins gourmands en énergie, les règles d’exploitation (autorisation ou non de pratiquer des relèves en ligne, possibilité de réutiliser un véhicule ou un agent sur plusieurs lignes vs. obligation de spécialiser le matériel et le personnel), le droit du travail (nombre d’heures autorisées par jour, durée règlementaire des pauses), etc.

En règle générale, la marge d’amélioration sur l’optimisation est très faible et se limite en général à essayer de procéder à des combinaisons entre horaires de lignes différentes (« mariages ») pour trouver une découpe du temps de travail moins dispendieuse. Ces solutions s’accompagnent souvent d’une fragilisation du système (si un chantier impacte une ligne, avec un tel système les retards se propageront aux autres lignes car on a créé une interdépendance).

On estime dès lors qu’en général, l’optimisation baisse au cours du temps (parce que le droit du travail évolue, dans un sens plus favorable aux travailleurs, ou parce que l’amélioration de la qualité passe par moins de mariages entre les lignes, ou encore parce qu’on peut souhaiter spécialiser le matériel par ligne pour des raisons d’infrastructures ou des raisons commerciales). Ceci signifie un besoin de plus de budget.

Comment réduire le coût d’un réseau de transport public ?

La façon la plus simple de réduire le coût d’exploitation est de diminuer l’offre aux voyageurs (moins de lignes, fréquences plus basses, heures de pointes plus réduites, etc.). Mais c’est clairement la plus mauvaise solution car elle est contraire à tous les efforts menés pour encourager les transports publics, et elle doit être rejetée.

Améliorer l’optimisation est également très difficile, voire impossible. L’optimisation mathématique des graphiques et habillages, qui s’effectue par des logiciels spécialisés, est déjà poussée au maximum techniquement atteignable, et il n’y a pas lieu de remettre en cause le droit du travail ou les conditions de travail du personnel. D’autres optimisations peuvent être atteintes à moyen terme comme la relocalisation de dépôts au plus près du réseau mais ces solutions sont souvent chères (acquisitions foncières) ou complexes à mettre en œuvre.

Améliorer la vitesse commerciale représente dès lors le meilleur levier d’action, car il ménage à la fois les voyageurs et les travailleurs.

Sans aller jusqu’à l’idée de réduire le coût net des transports publics, des combinaisons sont possibles. Une combinaison particulièrement intéressante consiste par exemple à réinjecter les gains de vitesse dans l’amélioration de l’offre. Ainsi, pour le même coût l’offre est améliorée (véhicules plus nombreux et plus rapides).

L’amélioration de la vitesse commerciale – au sens large, à savoir temps de battement compris – permet d’amorcer un cercle vertueux pour améliorer les transports publics.