« Économie des TC » : différence entre les versions

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À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.
À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.


== Les déterminants du coût ==
== L’équation de base ==
 
De manière schématique, le budget à financer par la collectivité – à savoir le déficit d’exploitation – est conditionné par trois paramètres :
* l’offre
* la vitesse commerciale
* l’optimisation


On relève 5 déterminants principaux.
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=== Longueur du réseau ===
== Les déterminants du coût ==


Plus une ligne est longue, plus elle sera chère à exploiter.
=== L’offre ===


La longueur (en kilomètres) est un « proxy » pour le coût, car au sens strict, le coût est fonction :
Il s’agit ici de l’offre de transport au sens large : la taille du réseau, les fréquences et les amplitudes, le fait de rouler avec des véhicules plus ou moins grands, etc.
* du temps de parcours (il détermine les heures de conduite payées aux conducteurs, et indirectement la taille de l’effectif de conducteurs) ;
* de la consommation d’énergie (largement déterminée par la longueur du trajet à parcourir, même si d’autres paramètres jouent, comme les pentes, le style de conduite et la possibilité de rouler de manière fluide)
* de l’usure des véhicules (qui évolue proportionnellement aux km parcourus)


=== Offre de transport ===
L’objectif généralement poursuivi est de développer cette offre autant que possible, mais on se heurte alors à son impact direct, qui est un besoin de budget supplémentaires.


Le coût d’exploitation évolue en fonction du nombre de trajets à assurer.  Pour simplifier, plus la fréquence de passage est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir d’attendre moins longtemps et d’avoir plus de places disponibles), plus le système coûte cher.
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En outre, les coûts de conduite varient selon l’heure de la journée.  Si le personnel de conduite est payé à un taux horaire standard pour des prestations en journée, les prestations pendant le week-end ou les jours fériés, ainsi que tôt le matin et tard le soir sont payées plus cherIci aussi, pour simplifier, plus l’amplitude de service est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir de disposer d’un réseau ouvert 7j/7 et à toutes les heures), plus le système coûte cher.
Autrement dit, sans budgets supplémentaires, les améliorations d’offre ne sont pas possibles.  (Sauf à espérer qu'elles puissent se financer par leurs propres recettes.)


=== Vitesse commerciale ===
=== La vitesse commerciale ===


Le coût d’exploitation évolue de manière inversément proportionnelle à la vitesse commerciale.
Dans ce schéma simplifié, ce paramètre doit être compris comme la vitesse au sens large, car cela englobe aussi la régularité et en gros tout ce qui impacte le nombre de minutes allouées dans la planification des services de conduite.


Ainsi, contrairement aux paramètres de longueur du réseau et d’offre de transport où ce qui est le plus bénéfique pour le voyageur est le plus cher pour la collectivité, pour la vitesse commerciale les intérêts des voyageurs et de la collectivité sont convergentsPlus la vitesse commerciale est élevée (ce qui est bénéfique pour les voyageurs, à savoir que le temps de trajet est réduit), moins le système coûte cher.
Une baisse de la vitesse commerciale implique de devoir replanifier des temps de parcours ou de battement plus élevés.  Ceci implique plus de véhicules et de conducteurs, autrement dit des coûts d’exploitation supplémentaireD’un point de vue mathématique, cela s’exprime comme suit :


Au sens mathématique, la vitesse commerciale (en km/h) évolue de manière inverse au temps de parcours (en minutes ou en heures, et que l’on trouve au dénominateur).  Or, le temps de parcours d’une ligne détermine le nombre de véhicules en circulation (voir l’article [[temps de rotation]]), qui conditionne le coût.
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=== Droit du travail et conventions de travail ===
=== L’optimisation ===


La planification des horaires de transport public doit intégrer l’ensemble des règles concernant les durées règlementaires de temps de travail, mais aussi différentes règles propres à l’exploitant (temps de pause, durée des breaks règlementaires en cours de journée, relèves entre conducteurs, calcul des temps de déplacement, temsps administratifs, etc.).
Derrière ce vocable simplifié se regroupent une multitude de déterminants du coût d’exploitation d’un réseau de transport public.


Plus les règles sont contraignantes pour l’employeur, plus le système coûte cher.
On y trouve aussi bien la localisation des dépôts (s’ils sont très éloignés du réseau c’est moins bien car il faut payer de nombreux kilomètres à vide), le fait d’avoir des véhicules plus ou moins gourmands en énergie, les règles d’exploitation (autorisation ou non de pratiquer des relèves en ligne, possibilité de réutiliser un véhicule ou un agent sur plusieurs lignes vs. obligation de spécialiser le matériel et le personnel), le droit du travail (nombre d’heures autorisées par jour, durée règlementaire des pauses), etc.


Une façon théorique d’exprimer ceci est la suivante : supposons qu’une ligne représente 800 heures de prestations de conduite et que les conducteurs peuvent rouler 8 heures par jourEn divisant les prestations, on arriverait à un besoin de 100 conducteurs.  Si la durée légale passe à 7 heures, il faut un plus grand nombre de conducteurs (ici, 115), et donc la masse salariale augmente.
En règle générale, la marge d’amélioration sur l’optimisation est très faible et se limite en général à essayer de procéder à des combinaisons entre horaires de lignes différentes (« mariages ») pour trouver une découpe du temps de travail moins dispendieuseCes solutions s’accompagnent souvent d’une fragilisation du système (si un chantier impacte une ligne, avec un tel système les retards se propageront aux autres lignes car on a créé une interdépendance).


=== Optimisation de la planification ===
On estime dès lors qu’en général, l’optimisation baisse au cours du temps (parce que le droit du travail évolue, dans un sens plus favorable aux travailleurs, ou parce que l’amélioration de la qualité passe par moins de mariages entre les lignes, ou encore parce qu’on peut souhaiter spécialiser le matériel par ligne pour des raisons d’infrastructures ou des raisons commerciales).  Ceci signifie un besoin de plus de budget.


Le travail de [[graphicage|planification des horaires]] est un exercice d’optimisation de haut niveau.
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La partie dite « habillage » consiste à organiser les journées de travail des agents pour arriver à la solution la plus adéquate (historiquement il était recherché la solution la moins chère, de nos jours une attention plus importante est apportée au bien-être des conducteurs, par exemple dans le positionnement des moments de pause ou encore l’exclusion des solutions entraînant une monotonie trop grande dans la journée de travail).  Dans tous les cas, le respect intégral des règles conventionnelles et légales est d’application.
== Comment réduire le coût d’un réseau de transport public ? ==


Ce travail est aujourd’hui confié à des logiciels informatiques, car il consiste à essayer un très grand nombre de combinaisons de services-agents pour en tirer la plus adéquate.
La façon la plus simple de réduire le coût d’exploitation est de diminuer l’offre aux voyageurs (moins de lignes, fréquences plus basses, heures de pointes plus réduites, etc.).  Mais c’est clairement la plus mauvaise solution car elle est contraire à tous les efforts menés pour encourager les transports publics, et elle doit être rejetée.


Plus l’optimisation est forte, moins le système coûte cher.
Améliorer l’optimisation est également très difficile, voire impossible.  L’optimisation mathématique des [[graphicage|graphiques et habillages]], qui s’effectue par des logiciels spécialisés, est déjà poussée au maximum techniquement atteignable, et il n’y a pas lieu de remettre en cause le droit du travail ou les conditions de travail du personnel.  D’autres optimisations peuvent être atteintes à moyen terme comme la relocalisation de dépôts au plus près du réseau mais ces solutions sont souvent chères (acquisitions foncières) ou complexes à mettre en œuvre.


Cette optimisation est conditionnée à un certain nombre de paramètres : elle fonctionne mieux sur les grands ensembles uniformes (beaucoup de véhicules et beaucoup de conducteurs) et fonctionne d’autant mieux qu’existe une flexibilité entre les types de prestations (un conducteur d’une ligne A est apte à circuler sur la ligne B, un véhicule de la ligne A est autorisé à circuler sur la ligne B, un conducteur d’un modèle de véhicule A est apte à conduire un véhicule de type B).  Quand ces conditions ne sont pas remplies, la contrainte de planification conduira à un moins bon équilibre.  Ceci explique pourquoi les exploitants de transport public peuvent être réticents à spécialiser les dessertes ou les types de véhicules, car ils savent que ceci conduira à une solution très dispendieuse.
Améliorer la vitesse commerciale représente dès lors le meilleur levier d’action, car il ménage à la fois les voyageurs et les travailleurs.


Une optimisation trop poussée conduit néanmoins à fragiliser le système.  Typiquement, un système très optimisé peut amener des conducteurs à passer d’une ligne à l’autre au cours de la journée et de se relayer à plusieurs endroits différents.  Une telle construction est souvent mise à mal par la réalité de terrain, et surtout les perturbations de service.  De la sorte, si la ligne A est perturbée par un chantier, les conducteurs de la ligne A qui doivent ensuite enchaîner sur la ligne B arriveront en retard pour leurs prestatiosn en ligne B et cette autre ligne sera négativement impactée par ce chantier, qui ne la concernait pas au départ.  Ceci conduit à rechercher une limite dans l’optimisation, pour éviter ces phénomènes.
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=== En résumé ===
Sans aller jusqu’à l’idée de réduire le coût net des transports publics, des combinaisons sont possibles.  Une combinaison particulièrement intéressante consiste par exemple à réinjecter les gains de vitesse dans l’amélioration de l’offre.  Ainsi, pour le même coût l’offre est améliorée (véhicules plus nombreux et plus rapides).


Pour rendre un système de transport moins cher, on peut :
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# réduire la taille du réseau
# diminuer l’offre et l’amplitude
# améliorer la vitesse commerciale
# réduire les protections légales du travail
# optimiser les horaires


À l’évidence, les options 1, 2 et 4 sont inacceptables et l’option 5 voit sa pertinence très limitée depuis quelques années.  C’est pourquoi l’amélioration de la vitesse commerciale doit être le principal levier à activer si l’on souhaite améliorer la performance économique des transports publics.  Du reste, c’est également par ce biais-là que l’on peut renforcer l’attractivité du réseau, qui conduira à un accroissement de la fréquentation et des recettes.
L’amélioration de la vitesse commerciale – au sens large, à savoir temps de battement compris – permet d’amorcer un cercle vertueux pour améliorer les transports publics.


[[Category:Planification]]
[[Category:Planification]]

Dernière version du 16 juin 2021 à 12:57

Économie des transports publics

Par économie des transports publics on entend ici les principales variables qui ont un impact sur le coût d’exploitation d’un réseau.

Pourquoi est-ce important ?

Dans les pays occidentaux, un réseau de transport public n’est jamais rentable, à plus forte raison lorsqu’il est demandé à ce réseau d’assurer une mission dite de service public, consistant à desservir toutes les parties d’un territoire, mais aussi à assurer des fréquences de passage soutenues, à différentes heures de la journée, tous les jours de l’année, ceci dans le cadre d’une politique de mobilité visant à opérer un transfert modal de la voiture vers les transports en commun.

Dans le même temps, il est demandé aux transports publics d’offrir leurs services selon des tarifs inférieurs au prix coûtant, tant pour les rendre attrayants par rapport aux modes individuels que pour préserver le pouvoir d’achat des populations les moins aisées. À ce titre, l’approbation des tarifs du transport public est une prérogative du gouvernement.

Pour ces différentes raisons, les réseaux de transport public ont vocation à fonctionner de manière structurellement déficitaire, et doivent équilibrer leurs comptes grâce à une dotation publique. Ce raisonnement prévaut dans tous les pays européens.

C’est important de s’intéresser à ces questions puisqu’il est également demandé aux exploitants de transport de ne pas être une charge excessive pour la collectivité – la dotation provenant de l’impôt des contribuables, alors que les villes sont confrontées à de multiples besoins – et de veiller à être exemplaires dans leur utilisation des moyens publics.

À cet effet, les autorités organisatrices de transport mènent différentes actions pour s’assurer de l’efficience des opérateurs : mise en concurrence avec attribution du marché au moins-disant, benchmarking sectoriel, audit interne, exigence de gains de productivité, etc.

L’équation de base

De manière schématique, le budget à financer par la collectivité – à savoir le déficit d’exploitation – est conditionné par trois paramètres :

  • l’offre
  • la vitesse commerciale
  • l’optimisation

Les déterminants du coût

L’offre

Il s’agit ici de l’offre de transport au sens large : la taille du réseau, les fréquences et les amplitudes, le fait de rouler avec des véhicules plus ou moins grands, etc.

L’objectif généralement poursuivi est de développer cette offre autant que possible, mais on se heurte alors à son impact direct, qui est un besoin de budget supplémentaires.

Autrement dit, sans budgets supplémentaires, les améliorations d’offre ne sont pas possibles. (Sauf à espérer qu'elles puissent se financer par leurs propres recettes.)

La vitesse commerciale

Dans ce schéma simplifié, ce paramètre doit être compris comme la vitesse au sens large, car cela englobe aussi la régularité et en gros tout ce qui impacte le nombre de minutes allouées dans la planification des services de conduite.

Une baisse de la vitesse commerciale implique de devoir replanifier des temps de parcours ou de battement plus élevés. Ceci implique plus de véhicules et de conducteurs, autrement dit des coûts d’exploitation supplémentaire. D’un point de vue mathématique, cela s’exprime comme suit :

L’optimisation

Derrière ce vocable simplifié se regroupent une multitude de déterminants du coût d’exploitation d’un réseau de transport public.

On y trouve aussi bien la localisation des dépôts (s’ils sont très éloignés du réseau c’est moins bien car il faut payer de nombreux kilomètres à vide), le fait d’avoir des véhicules plus ou moins gourmands en énergie, les règles d’exploitation (autorisation ou non de pratiquer des relèves en ligne, possibilité de réutiliser un véhicule ou un agent sur plusieurs lignes vs. obligation de spécialiser le matériel et le personnel), le droit du travail (nombre d’heures autorisées par jour, durée règlementaire des pauses), etc.

En règle générale, la marge d’amélioration sur l’optimisation est très faible et se limite en général à essayer de procéder à des combinaisons entre horaires de lignes différentes (« mariages ») pour trouver une découpe du temps de travail moins dispendieuse. Ces solutions s’accompagnent souvent d’une fragilisation du système (si un chantier impacte une ligne, avec un tel système les retards se propageront aux autres lignes car on a créé une interdépendance).

On estime dès lors qu’en général, l’optimisation baisse au cours du temps (parce que le droit du travail évolue, dans un sens plus favorable aux travailleurs, ou parce que l’amélioration de la qualité passe par moins de mariages entre les lignes, ou encore parce qu’on peut souhaiter spécialiser le matériel par ligne pour des raisons d’infrastructures ou des raisons commerciales). Ceci signifie un besoin de plus de budget.

Comment réduire le coût d’un réseau de transport public ?

La façon la plus simple de réduire le coût d’exploitation est de diminuer l’offre aux voyageurs (moins de lignes, fréquences plus basses, heures de pointes plus réduites, etc.). Mais c’est clairement la plus mauvaise solution car elle est contraire à tous les efforts menés pour encourager les transports publics, et elle doit être rejetée.

Améliorer l’optimisation est également très difficile, voire impossible. L’optimisation mathématique des graphiques et habillages, qui s’effectue par des logiciels spécialisés, est déjà poussée au maximum techniquement atteignable, et il n’y a pas lieu de remettre en cause le droit du travail ou les conditions de travail du personnel. D’autres optimisations peuvent être atteintes à moyen terme comme la relocalisation de dépôts au plus près du réseau mais ces solutions sont souvent chères (acquisitions foncières) ou complexes à mettre en œuvre.

Améliorer la vitesse commerciale représente dès lors le meilleur levier d’action, car il ménage à la fois les voyageurs et les travailleurs.

Sans aller jusqu’à l’idée de réduire le coût net des transports publics, des combinaisons sont possibles. Une combinaison particulièrement intéressante consiste par exemple à réinjecter les gains de vitesse dans l’amélioration de l’offre. Ainsi, pour le même coût l’offre est améliorée (véhicules plus nombreux et plus rapides).

L’amélioration de la vitesse commerciale – au sens large, à savoir temps de battement compris – permet d’amorcer un cercle vertueux pour améliorer les transports publics.